Entraide pénale internationale

Entraide judiciaire internationale - Qualité de partie de l'ayant droit économique d'une société dissoute

Entraide judiciaire internationale - Qualité de partie de l'ayant droit économique d'une société dissoute

Dec 1, 2025

TPF, 20.10.2025, RR.2025.110

Faits

Dans le cadre d'une procédure pénale menée en Ukraine contre A., les autorités ukrainiennes ont adressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire visant à obtenir des documents relatifs à un compte bancaire détenu par le C. Group. Le Ministère public de la Confédération (MPC) a donné suite à la demande.

Un premier recours formé par C. Group devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (TPF) a été déclaré irrecevable, étant le groupe déjà dissous au moment de son dépôt. Par la suite, A. a demandé au MPC de lui reconnaître la qualité de partie à la procédure d'entraide. Il soutenait qu'en tant qu'ayant droit économique du compte objet de la mesure d’entraide judiciaire et unique actionnaire du groupe dissoute, il était le seul à pouvoir s'opposer à la mesure d'entraide.

Le MPC a rejeté sa demande, arguant, entre autres, que les documents bancaires désignaient une autre personne (D., le frère de A.) comme ayant droit économique du compte. A. a recouru contre cette décision auprès du TPF.

Droit

Selon la loi sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP), la qualité pour recourir contre une mesure d'entraide appartient à quiconque est touché personnellement et directement par la mesure et a un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification (art. 80h let. b EIMP). Pour la transmission d'informations bancaires, seul le titulaire du compte est en principe considéré comme personnellement et directement touché (art. 9a let. a OEIMP).

La jurisprudence refuse généralement la qualité pour recourir à l’ayant droit économique d'un compte. Une exception est admise lorsque le titulaire du compte est une personne morale qui a été dissoute et liquidée de manière non abusive. En outre, l'ayant droit économique doit être clairement désigné dans l'acte de dissolution comme bénéficiaire du bénéfice de liquidation et le produit de la liquidation lui soit effectivement parvenu. La charge de la preuve de ces éléments incombe à celui qui demande la qualité de partie.

Application au cas concret

Le TPF examine si le recourant (A.) a prouvé sa qualité d'ayant droit économique. Le tribunal constate que le simple fait d'être l'actionnaire unique de la société ne suffit pas à établir cette qualité.

L'analyse des documents bancaires est déterminante. Le formulaire A, signé par le recourant lui-même lors de l'ouverture du compte, désigne explicitement son frère D. comme ayant droit économique (« beneficial owner »), le recourant n'étant mentionné qu'en tant qu'« Administrator ». Des documents ultérieurs confirment que D. était considéré par la banque comme le détenteur du contrôle et faisait l'objet des vérifications en matière de blanchiment d'argent. La banque avait même explicitement noté que l’actionnaire et directeur de la titulaire du compte (A.) ne correspondait pas à l'ayant droit économique (D.).

Le tribunal conclut que les pièces au dossier indiquent que le recourant n'avait qu'une position formelle d'actionnaire, tandis que son frère D. conservait la maîtrise économique effective sur les avoirs. Le recourant n'ayant pas réussi à prouver sa qualité d'ayant droit économique. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner les autres conditions, notamment celles liées à la liquidation de la société.

Issue

Le Tribunal pénal fédéral rejette le recours. Les frais de justice sont mis à la charge du recourant.



Newsletter Silex publiée en collaboration avec Elisabetta Tizzoni