Droit fiscal
Dec 9, 2025
TF, 17.11.2025, 9C_370/2025
Faits
Une société anonyme suisse (la recourante) a pour activité l'achat de droits de saillie sur des étalons pur-sang à des syndicats de propriétaires étrangers, et la revente de ces droits. Pour la commercialisation, elle mandate des agents (gestionnaires de haras) à l'étranger qui organisent l'opération de monte pour les propriétaires de juments locaux.
Suite à un contrôle pour les années 2015 à 2017, l'Administration fédérale des contributions (AFC) a qualifié l'acquisition de ces droits de saillie de prestations de services obtenues de l'étranger. Elle a estimé que ces prestations étaient soumises à l'impôt sur les acquisitions en Suisse et a réclamé à la société un montant de CHF 2'749'169.- de TVA.
La société a contesté cette décision, mais son recours a été rejeté par le Tribunal administratif fédéral. Elle saisit donc le Tribunal fédéral.
Droit
Le litige porte sur la qualification juridique, au regard de la TVA, de l'acquisition de droits de saillie auprès d'une entreprise étrangère. Trois questions principales sont examinées :
La représentation indirecte (art. 20 LTVA) : En matière de TVA, une prestation est imputée à la personne qui apparaît vis-à-vis des tiers comme en étant le fournisseur. Dans une relation tripartite (représentation indirecte), il y a une prestation entre le fournisseur effectif et l'intermédiaire, et une autre entre l'intermédiaire et le destinataire final. Pour qu'il y ait représentation indirecte, il faut notamment que la prestation fournie par le représentant au destinataire final soit économiquement identique à celle qu'il a reçue du représenté.
La distinction entre livraison de biens et prestation de services (art. 3 let. d et e LTVA) : Une prestation est soit une livraison de biens, soit une prestation de services. Une livraison de biens consiste à (1) accorder le pouvoir de disposer économiquement d'un bien, (2) remettre un bien sur lequel des travaux ont été effectués, ou (3) mettre un bien à disposition pour usage ou jouissance. Toute prestation qui n'est pas une livraison de biens est une prestation de services. Les prestations de services fournies par une entreprise étrangère à un destinataire en Suisse sont soumises à l'impôt sur les acquisitions (art. 45 al. 1 let. a LTVA).
L'exclusion du champ de l'impôt (art. 21 al. 2 ch. 19 let. e LTVA) : Sont exclues du champ de la TVA les opérations réalisées sur le marché monétaire et des capitaux, notamment celles portant sur des papiers-valeurs, droits-valeurs ou dérivés. Pour être qualifiée ainsi, une opération doit présenter les caractéristiques d'un produit financier, typiquement un droit standardisé et adapté au commerce de masse.
Application au cas concret
Le Tribunal fédéral analyse et rejette successivement les trois arguments de la recourante :
Absence de représentation indirecte : Le Tribunal fédéral constate que la prestation que la recourante acquiert (le simple droit de saillie) n'est pas identique à celle que son agent fournit aux propriétaires de juments. L'agent offre une prestation globale et économiquement distincte qui inclut non seulement le droit de saillie, mais aussi l'organisation de la venue de l'étalon, le gîte et la préparation de la jument, ainsi que le travail de l'étalonnier. La condition d'identité des prestations n'étant pas remplie, l'hypothèse d'une représentation indirecte est écartée.
Qualification en prestation de services : Le Tribunal fédéral confirme que l'acquisition d'un droit de saillie est une prestation de services. Il ne s'agit pas d'une livraison de biens au sens de l'art. 3 let. d LTVA, car la recourante n'acquiert ni le pouvoir de disposer économiquement de l'étalon (ch. 1), ni un droit d'usage ou de jouissance sur l'animal assimilable à une location (ch. 3). De plus, aucun travail n'est effectué sur l'étalon pour le compte de la recourante (ch. 2). L'objet du contrat est le droit immatériel lié aux capacités de reproduction de l'étalon, et non l'animal lui-même. Par conséquent, il s'agit d'une prestation de services.
Inapplicabilité de l'exclusion pour instruments financiers : Le Tribunal fédéral juge que les droits de saillie ne constituent pas des instruments financiers. Contrairement à des droits-valeurs ou des dérivés, ils ne sont pas des produits standardisés, proposés à un grand nombre d'investisseurs sur un marché ouvert. Il s'agit d'opérations commerciales spécifiques d'achat et de revente de droits, et non d'opérations sur le marché des capitaux.
Issue
Le Tribunal fédéral conclut que l'acquisition des droits de saillie constitue une prestation de services fournie par une entreprise étrangère, dont le lieu se situe en Suisse au siège de la recourante. Cette opération est donc correctement soumise à l'impôt sur les acquisitions.
Le recours est rejeté.
Newsletter fiscale Silex publiée en collaboration avec Me Anna Vladau


