Droit de l’aménagement du territoire et de la construction

Permis de construire – Espace réservé aux eaux, obligation d'agir du canton et zone de planification

Permis de construire – Espace réservé aux eaux, obligation d'agir du canton et zone de planification

Nov 11, 2025

TF, 08.10.2025, 1C_271/2024

Faits

Une entreprise de construction a obtenu un permis pour la construction de quatre immeubles d'habitation sur une parcelle jouxtant la rivière Töss, dans la commune de Zell (ZH). Les autorités cantonales et communales ont délivré le permis en se basant sur les dispositions transitoires de l'Ordonnance sur la protection des eaux (OEaux), qui prévoient un espace réservé aux eaux provisoires de 20 mètres de chaque côté du cours d'eau. Le projet respectait cette distance.

Le WWF Suisse a recouru contre cette décision, arguant que l'espace réservé aux eaux définitif pour la Töss, bien que non encore formellement fixé, serait bien plus large (au minimum 90 mètres selon les expertises cantonales existantes) et que le projet de construction empiéterait sur cet espace. Le Tribunal administratif du canton de Zurich a rejeté le recours, estimant que seules les dispositions transitoires étaient applicables tant que l'espace définitif n'était pas formellement délimité. Le WWF a porté l'affaire devant le Tribunal fédéral.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle que les cantons avaient l'obligation de délimiter l'espace réservé aux eaux définitif pour tous les cours d'eau avant le 31 décembre 2018 (art. 36a de la loi sur la protection des eaux [LEaux], art. 41a et 41b OEaux et les dispositions transitoires de la modification du 4 mai 2011 OEaux). Cet espace est crucial pour garantir les fonctions naturelles des cours d'eau, la protection contre les crues et la revitalisation.

Pour les grands cours d'eau comme la Töss, l'espace réservé aux eaux transitoire est souvent nettement plus étroit que l'espace définitif requis. Le législateur a toléré cette lacune de protection, mais uniquement pour une période limitée, soit jusqu'à l'échéance du délai de mise en œuvre fin 2018.

Lorsqu'un canton n'a pas respecté ce délai, il ne peut autoriser des projets de construction qui risquent de compromettre la future planification, légalement requise. Pour garantir cette planification, les autorités disposent de l'instrument de la zone de planification (art. 27 de la loi sur l'aménagement du territoire [LAT]). Bien que son édiction soit en principe facultative, elle peut devenir une obligation si la planification future risque d'être mise en péril.

Application au cas concret

Le Tribunal fédéral constate que le projet de construction, bien que conforme à l'espace réservé aux eaux transitoire, se situerait clairement à l'intérieur de l'espace définitif d'au moins 90 mètres qui devra être fixé pour la Töss sur la base des expertises déjà réalisées. La construction de ces bâtiments porterait donc préjudice à la délimitation future de cet espace et rendrait impossible une éventuelle revitalisation du cours d'eau (consid. 3).

Le canton de Zurich n'ayant pas respecté le délai de fin 2018 pour fixer l'espace réservé aux eaux définitif, il ne peut se prévaloir de sa propre inaction pour autoriser un projet qui contrevient aux objectifs du droit fédéral. Les dispositions transitoires ne peuvent être interprétées comme une règle exhaustive excluant toute autre mesure de protection après l'expiration du délai.

Face au risque de compromettre une planification d'intérêt public majeur et requise par le droit fédéral, le canton avait l'obligation d'adopter une mesure de sauvegarde, en l'occurrence une zone de planification selon l'art. 27 LAT. En l'absence d'une telle mesure, le permis de construire ne pouvait être délivré. La pesée des intérêts penche clairement en faveur de la protection du cours d'eau, un intérêt public prépondérant, face à l'intérêt privé à construire, d'autant plus que le plan d'affectation datait de 1994 et que le droit environnemental a considérablement évolué depuis (consid. 4). 

Issue

Le Tribunal fédéral admet le recours du WWF Suisse. Il annule l'arrêt du Tribunal administratif zurichois et, par conséquent, le permis de construire et les autorisations cantonales y relatives. La cause est renvoyée à la Direction des travaux publics du canton de Zurich pour la suite de la procédure, notamment pour prendre les mesures de planification nécessaires.



Newsletter Silex publiée en collaboration avec Me Daniel Hirschi-Duckert