Droit de l’aménagement du territoire et de la construction
Nov 11, 2025
TF, 22.08.2025, 1C_262/2024
Faits
Le litige porte sur un projet de construction sur une parcelle non bâtie (n° 378) située sur le site "Obermüli Süd" à Baar (ZG). Ce site fait partie de l'ensemble "Spinnerei an der Lorze", un site construit d'importance nationale inscrit à l'Inventaire fédéral ISOS. L'ISOS recommande de préserver la parcelle en question comme une prairie non construite

En 2003, la commune de Baar a révisé son plan d’aménagement des zones qui a classé cette parcelle en zone à bâtir. Ce plan est entré en force sans avoir été contesté. En 2021, la commune a adopté un plan spécial et une révision partielle du plan d’aménagement et du plan d’alignement pour permettre la réalisation d'un projet de logements et de commerces sur ladite parcelle.
Des voisins, propriétaires d'une parcelle adjacente, se sont opposés à ce projet. Leurs recours ont été rejetés successivement par le Conseil d'État puis par le Tribunal administratif du canton de Zoug. Ils saisissent le Tribunal fédéral, arguant principalement que le plan spécial viole le droit fédéral car le plan d'affectation de base de 2007 n'aurait pas suffisamment tenu compte des objectifs de protection de l'ISOS.
Droit
Le Tribunal fédéral rappelle le statut juridique de l'ISOS. En dehors de l'accomplissement de tâches fédérales, les inventaires fédéraux comme l'ISOS ne sont pas directement contraignants pour les propriétaires. Ils doivent cependant être pris en considération par les autorités cantonales et communales dans le cadre de leur planification (art. 6 LPN) (consid. 4.3).
Les plans d'affectation sont assimilés à des décisions. Ils doivent être contestés au moment de leur adoption. Une fois entrés en force, ils bénéficient du principe de la stabilité des plans et ne peuvent plus être remis en cause ultérieurement, par exemple lors de l'examen d'un plan de détail ou d'une demande de permis de construire (consid. 4.4).
Un examen à titre préjudiciel d'un plan d'affectation entré en force n'est possible qu'à des conditions très strictes : si les personnes concernées ne pouvaient pas se rendre compte des restrictions imposées au moment de l'adoption du plan, si elles n'ont pas eu la possibilité de défendre leurs intérêts, ou si les circonstances de fait ou de droit ont changé de manière si significative que le plan est devenu illégal (art. 21 al. 2 LAT). Selon la jurisprudence, ni la clarification de la portée de l'ISOS par l'arrêt ATF 135 II 209, ni l'introduction du principe de développement vers l'intérieur dans la LAT en 2014 ne constituent un tel changement significatif des circonstances juridiques justifiant une révision préjudicielle (consid. 4.5).
Application au cas concret
Le Tribunal fédéral constate que les recourants s'attaquent en réalité à la légalité du plan d'affectation de 2007, qui a classé la parcelle en zone à bâtir. Or, ce plan est entré en force et les recourants n'ont pas démontré que les conditions pour un contrôle préjudiciel étaient remplies. Ils auraient dû contester ce classement en zone à bâtir au moment de son adoption, car les conséquences d'un tel classement étaient prévisibles (consid. 4.5).
Le principe de la constructibilité de la parcelle est donc définitivement acquis et ne peut plus être remis en question au stade de l’adoption du plan spécial. À ce stade de la planification, la question du « si » est tranchée ; seule la question du « comment » demeure, dans une certaine mesure, ouverte. De même, la prise en compte de l'ISOS ne peut plus porter que sur le « comment » construire. Les critiques des recourants visent essentiellement à contester le principe même de la construction, ce qui équivaut à une remise en cause inadmissible du plan de base (consid. 4.7).
Le Tribunal fédéral estime que les arguments des recourants concernant les modalités concrètes du projet ne sont pas suffisamment étayés pour démontrer que la pesée des intérêts effectuée par les autorités cantonales serait arbitraire (consid. 4.8).
Issue
Le Tribunal fédéral rejette le recours dans la mesure où il est recevable. Les frais de justice sont mis à la charge des recourants, qui doivent également verser une indemnité de dépens à la société propriétaire de la parcelle.
Newsletter Silex publiée en collaboration avec Me Daniel Hirschi-Duckert

