Droit pénal
Dec 16, 2025
TF, 05.12.2025, 7B_65/2023
Faits
Suite à une dénonciation en 2011, le Ministère public de la Confédération (MPC) a ouvert une instruction pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP) lié à des escroqueries au détriment du Trésor russe. En 2021, le MPC a classé la procédure mais a ordonné une confiscation et prononcé une créance compensatrice de 50'738.78 USD au préjudice de la société B. Ltd, dont les comptes en Suisse pourraient comprendre des fonds soupçonnés d’être d’origine délictueuse. Le MPC a également rejeté les prétentions en indemnisation des recourants (A. et quatre sociétés) pour le dommage subi du fait des séquestres. La Cour des plaintes n’a pas confirmé la créance compensatrice ni le rejet de l’indemnisation pour les séquestres.
Elle s’est limitée à annuler et renvoyer la question des indemnités allouées, sans trancher le fond des prétentions en réparation du dommage lié aux séquestres. Les recourants saisissent le Tribunal fédéral, contestant la créance compensatrice, sa prescription, et réclamant une indemnisation pour le dommage lié aux séquestres.
Droit
Le Tribunal fédéral rappelle que la créance compensatrice (art. 71 CP) remplace la confiscation lorsque les valeurs d’origine criminelle ne sont plus disponibles et vise à priver l’auteur de l’avantage économique illicite.
Conformément à l’art. 70 al. 3 CP, le droit d’ordonner la confiscation de valeurs se prescrit par sept ans, à moins que la poursuite de l’infraction en cause ne soit soumise à une prescription d’une durée plus longue; celle-ci est alors applicable. Lorsque l’infraction préalable est commise à l’étranger, la prescription du droit de confisquer ses produits dépend du droit étranger applicable. En revanche, les actes de blanchiment commis en Suisse sont soumis au droit suisse, y compris pour la prescription. En cas de blanchiment aggravé (art. 305bis CP), le délai est de quinze ans, un cas aggravé pouvant être retenu en fonction de la gravité concrète des faits (montants, complexité, dimension internationale).
Au considérant 7, le Tribunal fédéral souligne en outre l’importance du principe de la bonne foi dans l’application de l’art. 70, al. 2, CP.
S’agissant du mélange de fonds licites et illicites, le Tribunal fédéral rejette la méthode proportionnelle, jugée excessive, et retient la théorie du solde résiduel (Bodensatz-/Sockeltheorie). Les fonds illicites forment un socle, les transactions étant présumées utiliser d’abord les fonds licites ; un acte de blanchiment n’est réalisé que lorsque ce socle est entamé, sauf disposition intentionnelle des fonds illicites.
Enfin, selon l’art. 434 CPP, un tiers lésé par un séquestre a droit à une juste indemnisation, à condition de prouver un dommage effectif. Un manque à gagner purement hypothétique n’est pas indemnisable, sauf faute de l’autorité ou refus injustifié d’un placement approprié.
Application au cas concret
Prescription
Le Tribunal fédéral confirme que la prescription est régie par le droit suisse, les derniers actes de blanchiment ayant eu lieu en Suisse (transferts sur des comptes). Il considère que la qualification de blanchiment aggravé est justifiée au regard de l'ampleur (230 millions USD), de la complexité et du caractère international du schéma. Le délai de prescription de quinze ans n'étant pas écoulé au moment de la décision de la Cour des plaintes, le grief est rejeté.
Calcul de la créance compensatrice
Le Tribunal fédéral relève que le MPC et la Cour des plaintes ont appliqué la méthode du mélange proportionnel des fonds pour calculer la créance compensatrice. Cette méthode est jugée contraire au droit fédéral. Le Tribunal fédéral admet le recours et renvoie l’affaire à l’instance précédente afin qu’elle procède à un nouveau calcul en appliquant la variante de la sédimentation ou du plancher.
Indemnisation pour séquestre
Les recourants demandaient une indemnisation basée sur un rendement hypothétique de 5% par an sur les avoirs séquestrés. Le Tribunal fédéral confirme la décision de la Cour des plaintes, rejetant la demande. Les recourants n'ont pas prouvé un dommage effectif et concret. Ils n'ont pas démontré que le MPC avait mal géré les fonds ou refusé des propositions de placement. La prétention fondée sur une simple perte de gain hypothétique est donc rejetée.
Issue
Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours. Il annule la décision du Tribunal pénal fédéral et lui renvoie la cause pour qu’il statue à nouveau sur le montant de la créance compensatrice en appliquant la méthode de la sédimentation ("Bodensatz-/Sockeltheorie"). Pour le surplus, le recours est rejeté.
Newsletter Silex publiée en collaboration avec Justine Arnal et Oleg Gafner


