Droit pénal

Viol - Appréciation des preuves, crédibilité de la victime et conditions du sursis partiel

Viol - Appréciation des preuves, crédibilité de la victime et conditions du sursis partiel

Dec 9, 2025

TF, 05.11.2025, 6B_570/2025

Faits

Après une soirée alcoolisée, A. a imposé plusieurs rapports sexuels non consentis à B. à son domicile, malgré les refus verbaux explicites de cette dernière. Un second acte a eu lieu quelques heures plus tard, alors que l'auteur pensait que la victime dormait. Acquitté en première instance, A. a été reconnu coupable de viol et de tentative d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de résistance par la Cour d'appel pénale vaudoise. Il a été condamné à une peine privative de liberté de 36 mois ferme. A. recourt au Tribunal fédéral, contestant sa culpabilité pour établissement arbitraire des faits et violation de la présomption d'innocence. Subsidiairement, il demande l'octroi d'un sursis partiel.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle qu'il n'intervient dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves que si ceux-ci sont manifestement arbitraires (art. 9 Cst.). Dans les cas de "déclarations contre déclarations", le juge du fond dispose d'une grande marge d'appréciation pour évaluer la crédibilité des parties. Le comportement d'une victime après une agression sexuelle, même s'il paraît contre-intuitif (par exemple, rester chez l'agresseur), ne remet pas nécessairement en cause la véracité de ses déclarations, car il peut s'expliquer par un état de choc ou un état dissociatif post-traumatique. Concernant le sursis partiel (art. 43 CP), applicable aux peines privatives de liberté de un à trois ans, son octroi dépend, comme pour le sursis complet (art. 42 CP), d'un pronostic non défavorable sur le comportement futur de l'auteur. Ce pronostic doit reposer sur une appréciation globale de la situation de l'auteur au moment du jugement (antécédents, situation personnelle et professionnelle, prise de conscience, etc.). Le juge ne peut se fonder exclusivement sur certains critères en en ignorant d'autres pertinents. Des antécédents sans rapport avec l'infraction jugée ne peuvent justifier un pronostic défavorable.

Application au cas concret

Le Tribunal fédéral rejette le grief d'arbitraire concernant la culpabilité. La cour cantonale a pu, sans arbitraire, juger les déclarations de la victime constantes et crédibles, et celles de l'accusé contradictoires et peu fiables. Le comportement de la victime après les faits (être restée à l'appartement, avoir pris une douche) a été valablement expliqué par un état de choc et de paralysie, ce qui est conforme à la jurisprudence sur les réactions post-traumatiques. La condamnation pour viol est donc confirmée. En revanche, le Tribunal fédéral admet le recours sur la question du sursis partiel. Il juge que la cour cantonale a abusé de son pouvoir d'appréciation en fondant son pronostic défavorable sur deux seuls éléments : une précédente condamnation pour des infractions routières (sans lien avec les faits actuels) et l'absence de prise de conscience de l'accusé. Ce faisant, elle a omis de prendre en compte des éléments positifs pertinents, tels que la situation personnelle et professionnelle stable du recourant (fiancé, père en garde alternée, diplôme récent) et n'a pas non plus évalué l'effet d'avertissement que pourrait avoir l'exécution d'une partie de la peine sur un individu n'ayant jamais été incarcéré.

Issue

Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours. Il confirme la déclaration de culpabilité de A.. Cependant, il annule le jugement attaqué sur la question de la peine et renvoie la cause à la cour cantonale pour qu'elle statue à nouveau sur l'octroi d'un sursis partiel, en procédant à une appréciation complète de tous les facteurs pertinents.



Newsletter Silex publiée en collaboration avec Justine Arnal et Camille Perrier Depeursinge