Aménagement du territoire

Droit des constructions - Rétablissement de l'état conforme au droit, protection du site et proportionnalité

Droit des constructions - Rétablissement de l'état conforme au droit, protection du site et proportionnalité

Nov 11, 2025

TF, 15.10.2025, 1C_710/2024

Faits

Propriétaire d’un immeuble sis en zone de protection du site (en ville de Lucerne), la recourante a remplacé des fenêtres sans permis. Mise en demeure, elle a déposé une demande de permis de construire a posteriori. Par décision du 26 octobre 2022, la Ville de Lucerne :

  • a autorisé partiellement le remplacement des fenêtres (1er au 3e étage),

  • a imposé des mesures correctives afin de rétablir l’aspect historique de la façade, notamment :

    • deux fines traverses horizontales,

    • des panneaux de soubassement pleins avec profilage plastique,

    • une baguette (schlagleiste) saillante de 10 mm.

 Le Tribunal cantonal a confirmé (29.10.2024). Recours au TF.

Droit

Le droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) permet le refus de preuves par appréciation anticipée non arbitraire. Les écrits internes sans valeur probatoire ne sont pas soumis à l’accès au dossier. Le TF rejette les griefs de violation du droit d’être entendu. La cour cantonale pouvait écarter des mesures d’instruction (dossiers comparatifs, expertises, témoins) par appréciation anticipée; l’avis interne de la protection des monuments n’ouvrait pas droit à consultation. (consid. 3). 

Qualification de la décision. Un ordre de rétablissement n’intervient que si l’autorisation de construire a posteriori est refusée. Cumuler octroi du permis et rétablissement est contradictoire. Il faut interpréter la décision comme un refus du permis pour l’état existant, assorti d’un ordre de remise en conformité. La ville a en réalité refusé l’autorisation de construire a posteriori pour les fenêtres posées et a ordonné des mesures de rétablissement. Cette lecture s’impose pour lever la contradiction formelle. (consid. 4.3).

Condition de l'article 36 Cst : 

Aptitude. L’Intérêt public au respect des règles et à la protection de l’orthophotographie urbaine est reconnu. Les mesures prescrites sont aptes à préserver cet intérêt. (consid. 4.5.3–4.5.4)

Nécessité et proportionnalité stricto sensu. La recourante proposait une alternative moins incisive: réinstaller les anciennes fenêtres d’origine (conservées). Le Tribunal cantonal a écarté cette option par une motivation insuffisante. Si la réinstallation rétablit l’aspect historique sans violer d’autres règles, l’autorité doit l’examiner sérieusement comme mesure de rétablissement équivalente et plus douce. (consid. 4.5.5).

Issue

Recours admis. L’arrêt cantonal est annulé et la cause renvoyée à la Ville de Lucerne pour examiner la réinstallation des anciennes fenêtres comme alternative proportionnée au rétablissement. Pas de frais; indemnité de 3’000 CHF à verser à la recourante; renvoi au Tribunal cantonal pour nouvelle répartition des frais et dépens de l’instance cantonale. 


Newsletter Silex publiée en collaboration avec Me Daniel Hirschi-Duckert