Droit fiscal
Nov 17, 2025
TF, 11.10.2025, 9C_556/2024
Faits
Un groupe TVA (l'assujettie), dont l'activité principale est l'organisation de séjours linguistiques et de programmes d'échange à l'étranger, propose à ses clients, en plus des programmes de formation, une couverture d'assurance voyage optionnelle. Pour ce faire, l'assujettie a conclu un contrat d'assurance collective avec une compagnie d'assurance suédoise. Elle facture ensuite cette prestation d'assurance aux participants qui la choisissent, en son nom propre et de manière distincte, bien que présentée dans un "package".
Suite à un contrôle portant sur les périodes fiscales 2014 à 2018, l'Administration fédérale des contributions (AFC) a considéré que les prestations de formation, bien qu'exonérées, donnaient droit à la déduction de l'impôt préalable car elles sont fournies à l'étranger et l'option est possible. En revanche, elle a qualifié la prestation d'assurance de prestation principale autonome, exonérée de la TVA sans possibilité d'option, ce qui exclut le droit à la déduction de l'impôt préalable. L'AFC a par conséquent procédé à une correction de l'impôt préalable pour utilisation mixte, aboutissant à une créance fiscale de CHF 264'047.-. Le Tribunal administratif fédéral a confirmé cette analyse. L'assujettie recourt au Tribunal fédéral.
Droit
Le litige porte sur la qualification de la prestation d'assurance : s'agit-il d'une prestation accessoire à la prestation de formation (prestation principale) ou d'une prestation principale autonome ?
Selon l'art. 19 al. 1 LTVA, chaque prestation doit en principe être considérée de manière indépendante en matière de TVA. L'art. 19 al. 4 LTVA prévoit une exception pour les prestations accessoires, qui partagent le sort fiscal de la prestation principale. Une prestation est considérée comme accessoire si elle remplit les conditions cumulatives suivantes : elle est secondaire par rapport à la prestation principale, elle est étroitement liée à celle-ci, elle la complète, l'améliore ou la parfait économiquement, et elle est habituellement fournie avec elle. L'appréciation se fait selon une approche économique et du point de vue du consommateur moyen.
Les prestations de formation (art. 21 al. 2 ch. 11 LTVA) sont exonérées mais l'option est possible (art. 22 al. 2 lit. a LTVA), ce qui permet la déduction de l'impôt préalable pour des prestations fournies à l'étranger (art. 29 al. 1bis LTVA). Les prestations d'assurance (art. 21 al. 2 ch. 18 lit. a LTVA) sont exonérées sans possibilité d'option, excluant ainsi la déduction de l'impôt préalable (art. 29 al. 1 LTVA).
Application au cas concret
Le Tribunal fédéral examine si la prestation d'assurance peut être qualifiée de prestation accessoire à la formation linguistique. Il constate que les deux prestations poursuivent des objectifs distincts : l'une vise la formation, l'autre la couverture de risques (maladie, accident, etc.).
Le Tribunal fédéral estime qu'une prestation de formation ne doit pas nécessairement être assortie d'une assurance voyage. Il relève qu'il est courant que les participants disposent déjà d'une couverture d'assurance ou qu'ils en souscrivent une indépendamment du séjour linguistique. Par conséquent, la condition selon laquelle la prestation accessoire doit "habituellement" accompagner la prestation principale n'est pas remplie. La prestation d'assurance ne constitue pas simplement un moyen de bénéficier de la prestation principale dans des conditions optimales, mais poursuit un but propre pour le client.
Le Tribunal fédéral conclut donc que la prestation d'assurance est une prestation principale autonome et non une prestation accessoire. L'AFC a donc eu raison de procéder à une correction de l'impôt préalable pour utilisation mixte. La méthode de calcul utilisée par l'AFC (méthode dite "des trois pots" avec une clé de répartition basée sur le chiffre d'affaires) est également jugée adéquate et non arbitraire.
Issue
Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours. Il constate que la créance fiscale pour la période 2014 est prescrite (art. 42 al. 6 LTVA). Pour le reste (périodes 2015 à 2018), il rejette le recours et confirme la décision du Tribunal administratif fédéral. L'arrêt de l'instance précédente est donc annulé en ce qui concerne la période fiscale 2014 et confirmé pour le surplus.
Newsletter fiscale Silex publiée en collaboration avec Me Anna Vladau


