Droit fiscal

Impôt sur la fortune – Attribution de la fortune d'un trust irrévocable : capitalisation des droits du bénéficiaire ou attribution d'une quote-part ?

Impôt sur la fortune – Attribution de la fortune d'un trust irrévocable : capitalisation des droits du bénéficiaire ou attribution d'une quote-part ?

Oct 28, 2025

TF, 08.09.2025, 9C_677/2024

Faits

Des contribuables ont perçu des versements annuels d'un "Irrevocable Family Trust" de droit américain, constitué par le père de l'un d'eux. Ils ont déclaré ces montants comme des héritages. L'administration fiscale cantonale de Zurich a initié une procédure de rappel d'impôt pour les années 2013 à 2019, considérant que les versements n'avaient été imposés ni comme revenu ni comme fortune. Elle entendait imposer la moitié de la fortune du trust en tant que fortune des contribuables.

Saisi d'un recours, le Tribunal administratif du canton de Zurich a partiellement admis la demande des contribuables. Pour les impôts cantonaux et communaux, il a jugé que ce n'était pas une quote-part de la fortune du trust qui devait être attribuée aux contribuables, mais la valeur capitalisée de leurs droits en tant que bénéficiaires. Il a renvoyé l'affaire à l'administration fiscale pour un nouveau calcul. Cette dernière a recouru contre cette décision auprès du Tribunal fédéral.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle que, selon l'art. 13 al. 1 de la Loi sur l'harmonisation des impôts directs (LHID), l'ensemble de la fortune nette est soumise à l'impôt sur la fortune. L'art. 13 al. 2 LHID prévoit spécifiquement que la fortune grevée d'usufruit est imposée chez l'usufruitier. En l'absence d'autres règles d'attribution spécifiques dans la LHID, c'est en principe la propriété au sens du droit civil qui est déterminante.

Le droit suisse ne réglemente pas le trust, mais le reconnaît via la Convention de La Haye. Un trust n'a pas de personnalité juridique et est en principe traité de manière transparente fiscalement. Pour un "Irrevocable Fixed Interest Trust", où le constituant (settlor) se dessaisit définitivement de ses biens et où les droits des bénéficiaires sont définis, la pratique administrative (circulaires de l'AFC et de la CSI) assimile le bénéficiaire à un usufruitier. La fortune et les revenus du trust lui sont donc attribués. Si sa part de fortune n'est pas déterminable, la valeur de ses droits peut être imposée sur la base de leur capitalisation. Cette approche doit respecter le principe constitutionnel de l'imposition selon la capacité économique (art. 127 al. 2 Cst.).

Application au cas concret

Le litige porte sur la méthode d'attribution de la fortune du trust : une quote-part fixe de 50 % (thèse de l'administration fiscale) ou la valeur capitalisée des droits (thèse du tribunal cantonal).

Le Tribunal fédéral analyse l'acte de trust et constate que le cercle des bénéficiaires n'est pas limité au contribuable et à son frère, mais inclut également leurs descendants. De plus, les distributions ne sont pas fixes mais dépendent de certains besoins (santé, éducation, maintien du niveau de vie) et sont soumises au pouvoir d'appréciation des trustees. Les bénéficiaires peuvent également retirer annuellement jusqu'à 5 % du capital après l'âge de 30 ans.

En raison de ces modalités flexibles et du cercle ouvert de bénéficiaires, le Tribunal fédéral conclut que le contribuable ne dispose pas d'une quote-part fixe et déterminable de la fortune du trust. Son pouvoir de disposition est limité et ne correspond pas à celui d'un propriétaire de la moitié des actifs. Attribuer forfaitairement 50 % de la fortune du trust ne refléterait donc pas sa capacité économique réelle.

Par conséquent, la méthode retenue par l'instance précédente, à savoir l'imposition de la valeur capitalisée des droits du bénéficiaire, est jugée adéquate et conforme au principe de l'imposition selon la capacité économique. Elle tient compte de la situation juridique et factuelle concrète. Le Tribunal fédéral rejette l'argument selon lequel cette méthode créerait un privilège fiscal, rappelant que la structure du trust, reconnue en Suisse, doit être respectée en l'absence d'évasion fiscale.

Issue

Le Tribunal fédéral rejette le recours de l'administration fiscale cantonale et confirme l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Zurich. La cause est renvoyée à l'administration fiscale pour qu'elle procède à un nouveau calcul de l'impôt sur la fortune pour les périodes 2013 à 2019, en se basant sur la valeur capitalisée des droits des contribuables en tant que bénéficiaires du trust.


Newsletter fiscale Silex publiée en collaboration avec Me Anna Vladau