Droit pénal

Pornographie - Interdiction à vie d’exercer une activité avec des mineurs et proportionnalité au regard de la CEDH

Pornographie - Interdiction à vie d’exercer une activité avec des mineurs et proportionnalité au regard de la CEDH

Dec 2, 2025

TF, 30.10.2025, 6B_551/2023

Faits

Un homme, né en 1998 et en formation d'infirmier, a été reconnu coupable de pornographie au sens des art. 197 al. 4 et 5 du Code pénal (CP). Entre 2019 et 2020, il a diffusé une trentaine de fichiers et en a enregistré plus d'une centaine (images et vidéos) représentant des actes sexuels réels impliquant des mineurs. Il a été condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende avec sursis et à une amende. Conformément à l’art. 67 CP le tribunal de première instance a également prononcé à son encontre une interdiction à vie d'exercer toute activité professionnelle et non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs. Cette mesure a été confirmée en appel par le Tribunal cantonal valaisan. Le condamné recourt au TF, arguant que cette interdiction à vie est disproportionnée et viole ses droits fondamentaux, notamment son droit à la vie privée (art. 8   de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH).

Droit 

Le TF examine la légalité et la proportionnalité de l’interdiction professionnelle à vie. 

Concernant l’interdiction d’exercer une activité (art. 67 CP), la loi impose une interdiction à vie pour les personnes condamnées pour pornographie impliquant des actes d’ordre sexuel avec des mineurs (art. 197 al. 4 ou 5 CP). Cette mesure est définitive et ne peut pas être levée (art. 67c al. 6bis CP). Le juge ne peut y renoncer qu’exceptionnellement dans les cas de très peu de gravité, si la mesure n’est pas nécessaire pour prévenir de nouvelles infractions ; cette exception doit être appliquée de manière particulièrement restrictive.

Une interdiction à vie d’exercer une activité professionnelle en contact avec des mineurs constitue une ingérence dans la vie privée (art. 8 CEDH). Cette mesure vise un but légitime de protection des enfants. Du point de vue de la proportionnalité, le TF souligne la large marge d’appréciation des États dans ce domaine, la gravité des infractions pornographiques impliquant des mineurs et le fait que la législation suisse, issue d’une volonté populaire, a opté pour un régime strict. La mesure n’interdit pas toute activité professionnelle dans le domaine des soins :  le recourant peut exercer dans des secteurs qui n’impliquent pas de contact avec des mineurs. Le TF reconnaît toutefois qu’une évolution future très positive pourrait, à long terme, soulever la question de la nécessité de maintenir une telle mesure à vie.

Application au cas concret

Le TF rejette les arguments du recourant. La clause d’exception prévue pour les cas de « très peu de gravité » ne s’applique pas : les agissements ont duré un an, impliquaient un nombre important de fichiers, concernaient des infractions graves (crime et délit) assorties de peines-menaces élevées, et la peine concrète de 150 jours-amende confirme la gravité du cas.

L’interdiction professionnelle à vie n’est pas disproportionnée : elle vise la protection des mineurs, objectif légitime au regard de la CEDH. Même sans contact physique, les infractions commises alimentent le marché pédopornographique et présentent une gravité certaine. L’atteinte à la vie professionnelle du recourant reste limitée, puisqu’il peut se réorienter vers des activités de soins sans contact avec des mineurs, comme dans un EMS, domaine dans lequel  il possède déjà de l’expérience. Par ailleurs, son jeune âge facilite une éventuelle reconversion professionnelle.Quant au caractère définitif et non révisable de la mesure, il n’est pas disproportionné au moment du prononcé. Le TF laisse toutefois ouverte la possibilité qu’une évolution personnelle très favorable à long terme puisse, dans l’avenir, justifier un réexamen de la nécessité de la mesure.

Issue

Le TF rejette le recours dans la mesure où il est recevable et confirme l'interdiction à vie d'exercer toute activité professionnelle et non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs.


Newsletter Silex publiée en collaboration avec Justine Arnal et Camille Perrier Depeursinge